La béchamel

Que ce soit pour préparer des croques-monsieur, compléter un gratin ou encore garnir des crêpes, la béchamel est utilisée à toutes les sauces en cuisine ! Quels sont les mécanismes qui interviennent dans cette recette ?

I Généralités

Auguste Escoffier, chef français considéré comme l’un des fondateurs de la cuisine moderne, a élaboré une classification des sauces basée sur deux catégories.

  • La première regroupe les sauces de base, appelées “sauces mères”.
    Selon Escoffier, il existe cinq sauces mères : la sauce béchamel, la sauce velouté, la sauce espagnole, la sauce tomate et la sauce hollandaise.
    Ces sauces sont toutes composées d’un liquide aromatique (bouillon, fumet, fond…) auquel on ajoute un liant (roux, jaune d’œuf, crème…) pour donner de la texture.
    En fonction des ingrédients ajoutés ou des techniques utilisées, ces sauces mères peuvent être dérivées en nouvelles sauces qui composent la cuisine française. C’est le cas par exemple de la sauce Mornay, suprême, blanquette, etc..
  • La deuxième catégorie est celle des sauces émulsionnées.
    Une sauce émulsionnée est une sauce qui est formée par le mélange de deux liquides qui normalement ne se mélangent pas (non miscibles), comme l’huile et le vinaigre dans une vinaigrette. En cuisine, les sauces émulsionnées sont généralement créées en mélangeant un liquide gras, comme le beurre ou l’huile, avec un liquide acide, comme le vinaigre ou le jus de citron.
    Cette catégorie peut se séparer en deux autres catégories, les sauces émulsionnées froides et chaudes. Ces sauces peuvent être stabilisées en utilisant un émulsifiant (ou non) pour empêcher la séparation des ingrédients.
    Notons que la stabilité dépend du temps. Dans cette classification, une sauce est stable lorsqu’elle ne se sépare pas le temps d’un repas voire de quelques jours au froid. La science nous apprend en réalité que toutes ces sauces sont instables. Si l’on attend suffisamment longtemps toutes ces sauces finiront par se déphaser, à la manière d’une vinaigrette !

Le schéma ci-après représente la classification de ces sauces selon Auguste Escoffier. Cette classification historique ne repose pas sur des principes scientifiques mais plutôt pratiques… Il conviendrait aujourd’hui de changer ce classement pour en proposer un plus objectif.

II Étude du système

Étudions maintenant plus précisément le cas d’une sauce Béchamel. En simplifiant, nous pouvons dire que la sauce Béchamel est constituée de 3 ingrédients principaux : du lait, de la farine et du beurre.

  • Dans un premier temps, étudions le cas du lait (A, sur le schéma). Le lait est défini en science des aliments, comme un système colloïdal, c’est-à-dire des petites particules (ici des gouttes de gras) dispersées dans un liquide (ici de l’eau). Le lait est également composé de protéines qui vont jouer un rôle dans la texture finale de la sauce. Enfin, le lait sera important également pour le goût et la couleur, qu’il ne faut pas oublier !
  • Ensuite, vient le cas de la farine (B, sur le schéma), qui est composée de petits grains que l’on appelle amidon. L’amidon est appelé sucre complexe, on peut expliquer cela en comparant les sucres à des wagons. Un wagon équivaut à un sucre, le glucose, facilement digérable par le corps humain. L’amidon va être un long train de plusieurs centaines de wagons de glucose les uns à la suite des autres. Deux types de trains existent dans l’amidon, l’amylose, qui a un faible pouvoir épaississant et un goût de farine prononcé et l’amylopectine.
    Dans ces petits grains d’amidon se trouvent également des protéines, le gluten. 
  • Enfin, le beurre (C, sur le schéma). On peut définir le beurre comme une émulsion d’eau dans du gras, autrement dit, des petites gouttes d’eau dispersées dans de l’huile, comme une vinaigrette. 

    Arrive maintenant l’étape de la cuisson. Dans une sauce béchamel, la première étape est de réaliser un roux. Un roux est un mélange de farine et de beurre chauffé. Comme dit précédemment, la farine est composée de sucres complexes ayant un goût farineux. Dans un premier temps, le but de chauffer la farine va être de couper le train de molécules de sucre, en trains plus petits. Sous l’effet de la chaleur, les protéines contenues dans la farine et les sucres créés par l’action de la chaleur vont réagir. Ces réactions, dites “réactions de Maillard” ont un rôle clé pour former des molécules qui auront bon goût. La matière grasse présente dans le beurre va également enrober les grains d’amidon, évitant les futurs grumeaux lors de l’ajout du lait.
Le roux a donc une utilité triple : éviter le goût de farine, éviter les grumeaux lors de l’ajout de lait et créer des molécules aromatiques. 

Enfin, l’ajout du lait va diluer l’amidon. L’eau présente dans le lait va permettre d’empeser les grains d’amidons, c’est-à-dire de les faire gonfler pour épaissir le mélange. Les protéines du lait quant à elles vont jouer le rôle d’émulsifiants avec le gras du beurre apportant la stabilité, mais aussi améliorant l’onctuosité de la sauce en bouche.

III Astuces

En comprenant la structure de la béchamel, nous pouvons reformuler la recette « à notre sauce » !

○ Nous avons vu précédemment que le beurre venait simplement entourer les grains d’amidon, sans avoir un rôle dans la texture de la sauce. Afin d’alléger votre sauce béchamel, vous pouvez dans un premier temps retirer une partie du beurre (mais pas la totalité !). Ainsi les réactions de Maillard auront toujours lieu, apportant de bonnes saveurs tout en étant moins gras !

○ Afin d’éviter d’avoir une sauce trop liquide, évitez de la faire trop chauffer : la préparation doit cuire mais pas bouillir. Un chauffage trop fort ou trop long ou une trop forte agitation va désagréger les particules d’amidons gonflées.
De la même manière, on évitera d’ajouter des acides, comme du jus de citron ou du vinaigre, qui risquent d’abimer ces mêmes grains d’amidon, réduisant les chaînes. La viscosité de la sauce sera réduite.
Pour corriger une sauce trop liquide, vous pouvez y ajouter du beurre mélangé à de la fécule de maïs.

À l’inverse, si votre sauce est trop épaisse, mélangez la rapidement en suivant la texture que vous souhaitez. Dans le cas où votre sauce est encore chaude, vous pouvez tout simplement continuer à la diluer avec du lait.

○ Si vous voulez faire une sauce béchamel rapide et incorporer tous les ingrédients en même temps, il conviendra d’utiliser une farine plus riche en amylopectine, donc sans le goût farineux. Dans ce cas, vous pouvez utiliser par exemple de la fécule de pomme de terre ou de maïs. Attention cependant à la viscosité de la sauce qui risque de changer par rapport à la farine.